Les moments de doute
Ca m'arrive de ne plus savoir pourquoi je fais ce métier. A la fin de la journée, je me demande pourquoi je m'échine tous les jours à essayer d'éduquer ces adolescents et à éduquer aussi les adultes qui parfois ne savent plus très bien quel âge ils ont.
Etre là à moitié, ça n'est pas suffisant
Parfois, je prends le bus, j'ouvre le CDI, je reçois les élèves pour les séances, mais en fait je ne suis pas vraiment là, je suis un peu à côté. Je n'ai pas assez anticipé, je n'ai pas assez préparé ma journée, je n'ai peut-être pas assez travaillé chez moi. Et c'est dans ces moments que je trouve que plus rien ne marche. Je lâche trop vite, je crie trop vite, j'oublie ce que l'on me dit... je me laisse déborder par tout.
J'ai des collègues/amies qui m'avaient dit qu'au bout d'un moment on se rend compte que même quand on en fait un peu moins pour le CDI, les choses tournent quand même, que ce n'est pas grave de lâcher de temps en temps et de donner la priorité à d'autres choses. Mais parce que je suis perfectionniste, parce que je ne me supporte pas quand je n'ai pas fait ce qu'il fallait pour les élèves, je m'investirais trop au collège, je donnerais trop ?
Un jour, il y a peut-être un an ou deux mon amoureux m'a trouvé dans le lit à découper des fleurs, des cœurs et des étoiles dans du papier de couleur pour faire des étiquettes coups de cœur pour le CDI. Là, il m'a dit que c'était un peu exagéré, que le collège prenait trop de place dans ma vie et dans la sienne par la même occasion. Depuis, j'essaye de ne faire à la maison que ce qui est véritablement nécessaire... mais parfois je me retrouve le lundi matin déboussolée parce que j'ai laissé une partie de moi chez moi. Et je rentre le soir en pensant que je suis complètement inutile.
Leur faute plutôt que la mienne
Alors que tout mon rapport avec les élèves est basé sur la confiance, quand je suis au CDI sans être vraiment là, j'ai tendance à devenir parano, à me dire qu'ils cherchent à m'avoir, à attendre que j'ai le dos tourné pour faire une bêtise. Et ça devient de leur faute.
En fait, j'oublie que ce sont des adolescents et que je suis l'adulte référent. Quoiqu'il arrive, ils cherchent à contourner l'autorité et c'est à moi de la tenir. Quand je ne tiens plus autant le cadre, les élèves le sentent, ils vont essayer de me tester, c'est parfaitement logique, ça n'est pas contre moi. S'ils volent les livres ou gravent leur nom sur les tables du CDI, ce n'est pas parce qu'ils ne respectent pas le lieu ni mon travail, c'est simplement qu'ils bravent les interdits.
Alors quand j'ai passé une récréation hyper tendue et que j'ai eu tendance à ne rien laisser passer et donc à crier, il me faut beaucoup d'énergie pour me rendre compte que le problème ne vient pas d'eux mais de moi, du cadre que je tiens et du cadre dans lequel je me trouve.
Au delà du cadre, il y a un autre cadre...
Parce que j'ai conscience que je ne suis pas seule à tenir le cadre dans l'histoire... L'ambiance au collège a changé depuis quelques années et c'est parfois la guerre des tranchées en salle des profs. Je suis persuadée que ça a forcément un impact sur les élèves et leur manière de concevoir le collège et les adultes. J'ai beau tenir ce discours à la cantine, certains collègues ne comprennent absolument pas comment l'ambiance entre profs peut avoir une quelconque influence sur les élèves et que ce sont seulement les élèves qui changent, qui sont chiants, mal éduqués et insolents.
Comment garder une relation de confiance avec les élèves à mon niveau quand ils semblent avoir perdu toute confiance envers l'équipe éducative dans son ensemble ?
Voilà ce qu'il s'est passé dans ma tête depuis quelques temps et qui m'a empêchée de partager quoique ce soit sur ce blog. L'impression d'être inutile m'a rendu silencieuse.
Mise à jour du 10 Mars 2014 : je viens de lire un billet sur le blog de Lizly qui aborde très étrangement les mêmes problématiques que celui-ci et qui a été publié à la même période. Le voici : http://www.lizly3zero.fr/?post/2014/02/15/Cristilliser